Former les pratiquants de demain

 

Ce n’est pas chose aisée à notre époque de choisir une discipline pour son enfant. Du Karaté au Judo, en passant par l’Aïkido, le Jujitsu, la Capoeira ou le Krav Maga, l’offre est vaste, et l’on ne sait plus où donner de la tête…

Pourquoi inscrit-on son enfant à un art martial ?

En tant que parent, il faut savoir ce qu’on recherche pour son enfant et dans quel état d’esprit on souhaite qu’il pratique. S’agit-il de se défendre ? De devenir un champion ? De prendre confiance en soi ? De se sentir mieux avec soi-même ? Ou est-ce alors pour la santé, par besoin de discipline ou encore pour se défouler ?…

Quelle que soit l’activité, martiale ou non, la question importante à se poser (même si elle est un peu taboue) est la suivante : est-ce que j’amène mon enfant là pour lui ou pour moi ? Est-ce que je souhaite qu’il fasse ce que je n’ai pas pu faire ? Y va-t-il parce que ça lui convient vraiment, ou pour me faire plaisir ?…

En effet, il est essentiel que l’enfant se sente à l’aise et s’épanouisse dans ce qu’il fait. Il est important d’être à l’écoute de ses envies et de ses besoins, qui peuvent être différents des nôtres – parents ou professeurs. L’enfant est le premier à savoir ce dont il a besoin, et donc à avoir son mot à dire. La difficulté est d’identifier comment il l’exprime.

Même si elles font partie de l’imaginaire collectif, toutes les raisons citées peuvent être bonnes. Les arts martiaux (et les sports de combat) peuvent apporter tout cela, mais pas tous de la même manière. Chaque art se concentrera sur un aspect plutôt qu’un autre. Et au sein même d’une discipline, l’approche peut varier d’un club à l’autre, d’un enseignant à l’autre…

Le rôle de l’enseignant

La relation qui se crée avec l’enseignant est encore plus capitale pour un enfant que pour un adulte. Il est la première image que se fait l’enfant de la discipline et en restera longtemps le modèle. L’enseignant tirera l’enfant vers le haut s’il lui convient. Qu’il soit  coulant ou avec une main de fer, cela n’a pas d’importance tant que sa méthode convient à l’enfant. On imagine souvent que les enseignants d’arts martiaux sont des personnes fortes, physiquement et mentalement. Cela peut-être le cas, mais il ne faut pas oublier que le professeur doit aussi avoir « bon cœur ».

Selon son approche, son style, son caractère, des affinités naîtront – ou non. Si cela « n’accroche » pas entre un prof et son élève, il est préférable d’inviter l’élève, avec bienveillance, à trouver sa voie ailleurs, plutôt que de s’acharner et de devenir amer. Il m’arrive parfois de constater que mon enseignement ne convient pas à un élève. Dans de tels moments le dialogue a toute son importance.

Il n’est pas toujours facile pour un élève de déterminer si un enseignant lui convient. En effet, l’enseignement des arts martiaux demande un état d’esprit et une manière d’être particulière. Cela contribue à créer une image du « maître charismatique ». S’il y a bien sûr plusieurs types de charisme, l’élève, et surtout l’enfant, s’identifiera très probablement à son enseignant. Il est probable qu’il en fera un de ses modèles et souhaitera devenir comme lui. Ainsi, il faut être prudent, car dans le monde des arts martiaux, comme ailleurs, il peut y avoir des personnes charismatiques, mais sans aucune compétence… Il faut donc garder l’esprit critique ! Un bon enseignant devrait encourager ses élèves à cultiver cet esprit critique.

 

Choisir l’enseignant de son enfant

L’enseignant doit bien sûr avoir les compétences pour enseigner aux enfants. Il n’est pas facile d’en juger lorsqu’on ne connaît pas la discipline pratiquée. Il est donc naturel de se fier à des avis extérieurs. Bien entendu, si Internet ou le bouche à oreille sont certainement les premiers réflexes, il est aussi important de se faire sa propre opinion en observant soi-même les cours et en osant poser des questions.

 

Enseigner aux enfants

En tant qu’enseignant, il est primordial de se demander : « Est-ce que je me sens capable de m’occuper d’enfants ? » Cela ne s’improvise pas, il faut de solides compétences techniques et pédagogiques et ne pas prendre ce rôle éducatif à la légère. Encore une fois, il n’y a aucun mal à admettre qu’on n’est pas capable de tenir ce rôle, ce n’est pas donné à tout le monde.

La plupart du temps, les cours enfants sont confiés à de jeunes pratiquants qui se lancent dans l’enseignement, pour faire leurs armes. Cela été mon cas, comme beaucoup d’autres. Mais l’enfance étant l’âge où se construisent les bases qui resteront toute la vie, il vaut mieux s’assurer que ces bases soient solides et donc en confier la transmission à quelqu’un d’expérimenté.

Les changements de direction

Si à un moment donné votre enseignant change de cap ne vous étonné pas ! Bien peu de choses sont définitives et il est courant qu’un pratiquant ou un enseignant décide de faire évoluer sa pratique ; parfois de manière totalement différente.

Je prends mon exemple personnel : j’ai longtemps voulu devenir enseignant professionnel de Karaté et d’Aïkido. Mais je ne trouvais plus ce qui me convenait en Aïkido. En rencontrant mon enseignant (Léo Tamaki), je me suis complètement plongé et investi dans sa voie (le Kishinkaï), jusqu’à arrêter tout ce que je pratiquais par ailleurs ! Pour moi, le meilleur de ce que je recherche dans les arts martiaux était incarné par Tamaki senseï.

D’autre part, en tant qu’enseignant, il faut aussi pouvoir accepter que son élève change de route à un moment donné, même si ça fait mal au cœur après l’avoir accompagné un moment.

Aller en stage

C’est pour cela qu’il est important même, et surtout, pour des enfants de faire des stages d’autres disciplines martiales ou même d’autres sports. En effet, peut-être deviendront-ils des virtuoses dans l’un d’entre eux et seront plus épanouis. Les arts martiaux, comme n’importe quelle autre activité, ne sont pas faits pour tous.

Guider vers l’autonomie

Au Jisei Budo Kai, nous avons fait le choix d’une approche généraliste. Nous avons la chance d’avoir des enseignants de bon niveau dans plusieurs disciplines (Aïkido, Judo, Karaté, Kenjutsu).

Certes, le mélange de plusieurs disciplines dans un même cours peu initialement complexifier l’apprentissage d’un catalogue technique. Mais sur le long terme cela permet de mieux comprendre ce qu’on cherche via la pratique martiale. Cela permet également de garder l’esprit ouvert en développant des principes et des aptitudes variées, mais aussi en se familiarisant avec toutes les situations qui peuvent se présenter : armes, frappes, saisies, lutte, sol. Les enfants touchent ainsi à la variété offerte par les arts martiaux.

Aller au-delà

Mais les cours, à mon sens, ne s’arrêtent pas à la pratique physique et sportive. Je fais en sorte qu’à travers mon enseignement, notamment dans les stages, l’enfant développe une sensibilité à d’autre arts comme la musique, l’art graphique…

Le plus important pour moi, c’est que l’enfant arrive à développer une manière d’être, de se trouver soi-même face à la pratique.

Ce n’est pas un hasard si j’ai choisi le nom Jisei Budo Kai pour mon dojo : « association où l’on apprend par soi-même ». Il faut bien sûr un bon enseignant, mais de mon point de vue et d’après ce qui m’a été enseigné, c’est aussi par nous-mêmes, en développant notre curiosité et notre motivation que nous irons plus loin. Libre à chacun de continuer sur la voie généraliste ou de se spécialiser dans une voie précise selon ses goûts et ses besoins, dans mon dojo ou ailleurs. J’essaie donc aussi de faire en sorte que les enfants se prennent en main seuls tout en étant à leurs côtés en toute discrétion… Les résultats sont bluffants !

Article publié dans le magaine Dragon spécial aikido n°5